
“En Grèce, on a envie de se baigner dans le ciel” – Henry Miller

Quand je me ressource dans mon île en Grèce, je passe devant ce balcon tous les jours et je pense à cette citation de Miller. La maison n’est plus habitée depuis longtemps mais elle est encore d’une blancheur éclatante et son petit balcon tient le coup face aux éléments. La vue y est incroyable, surtout au moment où le soleil se couche sur la mer.
Et il en connaissait un rayon, Henry, sur la beauté du ciel Grec! 😜
L’écrivain américain (plutôt controversé, auteur entre autres de Tropique du Cancer, Printemps noir, Tropique du Capricorne ou de la trilogie Sexus, Plexus, Nexus) a vécu en Grèce pendant les années 1930 où il visita notamment Corfou, Delphes, la Crète et le Péloponnèse. C’est là qu’il tire son inspiration pour son roman semi-autobiographique “Le Colosse de Maroussi ». Il trace le portrait d’un pays où viennent se télescoper sa découverte de la culture grecque et sa relation passionnée avec le pays et ses habitants. Le livre – traduit en français par Georges Belmont en 1958 – est un véritable hymne à la beauté de la Grèce et une très belle lecture pour tout lecteur ou lectrice qui souhaite découvrir un portrait unique d’un pays hors normes.
J’aime aussi particulièrement cette citation toujours issue du Colosse de Maroussi:«La Grèce, c’est le berceau du soleil, de l’olivier et de l’amour». Il avait tout compris Riri!

«La Grèce, c’est le berceau du soleil, de l’olivier et de l’amour. »
— Henry Miller, le colosse de Maroussi
Blague à part, ce n’est pas le seul à être tombé éperdument amoureux de ce pays et à avoir laissé une empreinte indélébile de leur passion à travers son œuvre.
Quand j’ai commencé cet article, je voulais juste illustrer une photo inspirante (elle est vraiment belle) avec une citation qui l’est tout autant. Et puis je me suis dit, pourquoi ne pas aller plus loin et si celles et ceux qui lisent ces quelques lignes sont aussi curieuses et curieux que moi, je pourrais peut être partager mes livres de chevet, ceux que j’ai acheté plusieurs fois et ai offert à tous mes amis (parfois à leur corps défendant), ces œuvres qui m’ont fait rêver et voyager immobile.
Si vous cherchez un livre pour préparer votre prochain périple en Grèce ou pour y revenir, par l’esprit, au creux de l’hiver, de retour en France… alors peut-être que certains des manuscrits que je vais vous indiquer pourront vous convenir.
Précaution préliminaire: Je ne suis ni critique littéraire, ni historienne. Je présente donc mes excuses par anticipation aux experts qui seront déçus de ne pas voir dans ma liste (forcément subjective) le roman immense ou la pièce magique qui aurait dû figurer tout en haut du catalogue 😇… je suis une simple lectrice, avec ses partis-pris et ses lacunes.
De l’Iliade au sirtaki, la Grèce est une source intarissable d’inspiration.

Beaucoup diront que le plus évident pour comprendre la mythologie et pénétrer l’âme grecque, c’est de lire l’Iliade et l’Odyssée d’Homère. Je dois vous faire un aveu (un peu honteux): je ne les ai jamais vraiment lus, seulement quelques passages. Ce n’est pas vraiment un livre de plage et encore moins un livre de poche et je préfère laisser Sylvain Tesson vous livrer les secrets de cette immense poème épique de 27000 vers dans son livre «Un été avec Homère». Pour les plus nomades d’entre vous, vous pouvez écouter la série homonyme en podcast sur France Inter. J’ai beaucoup aimé. D’ailleurs j’aime tout ce qu’écrit Tesson. (Je vous l’ai dit c’est subjectif!)

Homère, buste, Musée du Louvre, Paris
crédits photo Jean-Pierre Dalbéra.
Je vous passe également les oeuvres d’Eschyle (« les Perses ») ou d’Hérodote (« l’Enquête ») et ses anecdotes fascinantes ou encore de Thucydide (« la Guerre du Péloponnèse »). Là aussi je les ai lues (parfois en diagonale pour être totalement honnête) mais c’est un peu «encombrant» sur la table de chevet ou dans le sac à dos.
Passons aux choix plus accessibles (je sens que je vais faire hurler les amoureux des lettres classiques!)
Dans un ordre chaotique (un peu comme ma bibliothèque) j’ai beaucoup aimé et je relis régulièrement les ouvrages ci-dessous:
- Zorba le Grec de Nikos Kazantzakis (1883-1957): incontournable, puissant, cynique et tragique. Une véritable ode à la liberté et à la vie, cristallisée autour d’un personnage charismatique qui incarne l’esprit grec. C’est Anthony Quinn qui l’immortalise dans le film éponyme de Cacoyannis qui vaut le détour juste pour admirer la merveilleuse Irène Papas irradiant de beauté la pellicule en noir et blanc. C’est un roman plutôt court, à lire (et à relire) en quelques heures les pieds dans l’eau et un parasol ou un chapeau de paille au dessus de la tête. Je le relis au moins une fois par an.
Fun fact #1: C’est Simone Signoret qui devait jouer la veuve esseulée, la fameuse Madame Hortense, mais elle refusa de s’enlaidir pour le rôle et quitta le tournage après quelques jours.
Fun fact #2 : La fameuse danse que tout le monde connait aujourd’hui et considère comme un témoin de la tradition grecque, ce fameux Syrtaki, fut en fait créée de toute pièce par l’équipe du film. Elle n’existait pas auparavant!… Hopa! 👯♂️ 👯♂️ 👯♂️


- Vassilis Alexakis (1943-2021) (La langue maternelle, l’enfant Grec…) est aussi un de mes romanciers préférés. Peut être parce que, comme moi, il est à cheval entre deux mondes, deux cultures, perpétuellement en «voyage» entre Athènes et Paris, la Grèce et la France. Dans « la Langue Maternelle » prix Médicis1995, Alexakis raconte notamment le périple (largement autobiographique) de Pavlos, un grec de retour à Athènes après plus de vingt années passées à Paris qui redécouvre sa ville, sa culture, ses origines. Il le laisse errer dans ce pays très jeune et très vieux à la fois. Pavlos choisit bientôt d’enquêter sur le sens de la lettre E suspendue à l’entrée du Temple d’Apollon à Delphes. Il parcourt tout l’ouest du pays pour tenter d’élucider ce mystère. Un véritable voyage initiatique intérieur dans une Grèce d’autrefois et d’aujourd’hui. J’aime beaucoup Alexakis.
- L’été Grec, de Jacques Lacarrière (1925-2005). Alors oui, cela ne se lit pas comme un roman d’aventure, vous seriez déçus. Il s’agit du récit éclairé et éclairant d’un voyageur qui témoigne de ses expériences au contact des grecs pendant près de 20 ans (des années 50 à 70 en gros). Du Mont Athos à la Crète, vous voyagerez avec lui dans une Grèce «moderne» non encore envahie par le tourisme de masse.
- Si vous êtes plutôt polar noir, je vous invite, si vous ne le connaissez pas encore, à vous plonger dans l’œuvre de Petros Markaris et des aventures du commissaire Charitos, Kostas de son prénom, qui traine sa mauvaise humeur et sa hargne dans les rues d’Athènes afin -accessoirement – d’y résoudre des crimes. De tous ceux que j’ai lu, je mettrais sur le haut de la pile la Trilogie de la crise (Liquidation à la grecque, Le Justicier d’Athènes et Pain, éducation, liberté), une description au vitriol de la réalité socio-économico-politique d’un pays croulant sous les incohérences et le désordre, ou encore «le Che s’est suicidé». J’en ai toujours un exemplaire qui traine à proximité.
- Pour les fans d’aventures épiques et romanesques, peuplées de héros invincibles et fiers, réels ou fictifs, et qui transcendent à chaque page les valeurs de courage et de force, je ne peux que vous conseiller deux auteurs que j’affectionne tout particulièrement: Steven Pressfield et David Gemmell (1948-2006). Le premier, Pressfield, désormais citoyen d’honneur de la ville de Sparte, a écrit ce qui est pour moi un roman historique à lire sans modération si vous avez aimé les « 300 » au cinéma: « Les murailles de feu (1998) » ou « Gates of Fire » en VO, est une œuvre qui relate avec brio le combat de la passe des Thermopyles entre une poignée de Spartiates et l’immense armée Perse. Un vrai plaisir de lecteur. Le second, Gemmell, est principalement un auteur d’Heroïc Fantasy, mais il a également écrit des romans historiques, où il a su faire la part belle à l’imaginaire antique grec et à ses héros, comme dans ce bonbon qu’est sa trilogie sur « Troie » ou « Le lion de Macédoine ». J’adore et je vous invite à être curieux(ses)!
- Nikos Kazantzakis: “Zorba le Grec” (1946)
- Henry Miller: « Le Colosse de Maroussi »
- Petros Markaris: « Le Che s’est suicidé » Éditions Points, coll. « Points policier » no P1599, 2007 (ISBN 978-2-7578-0257-1)
- Petros Markaris: La Trilogie de la crise aux Editions du Seuil: « Liquidation à la grecque » 2012 (ISBN 978-2021080757); « Le Justicier d’Athènes » 2013 (ISBN 978-2021080764); « Pain, éducation, liberté » 2014 (ISBN 978-2021056011)
- Vassilis Alexakis: « La langue maternelle » chez Stock 1995 (ISBN 978-2234043162)
- Jacques Lacarrière: « L’Été grec : une Grèce quotidienne de 4 000 ans », Presses Pocket, 1989 (rééd. 1998, 2002 (ISBN 978-2266119818)
- Hervé Duchène: «Le voyage en Grèce » Editions Transboréal 2011 ( ISBN 978-2913948543 )
- Jean D’Ormesson: « la Douane de Mer » J Gallimard 1992 ( ISBN 978-2070738907)
- Albert Cohen: « Solal » chez Gallimard 1930 (ISBN 978-2070362298)
- Steven Pressfield: «Les murailles de feu » Le Livre de Poche | 1998 (ISBN 978-2253150396)
- David Gemmell: La trilogie Troie, Maison d’édition Milady « Le Bouclier du tonnerre » 2005 (ISBN 978-2811200251); « Le Seigneur de l’arc d’argent » 2006 (ISBN 978-2811200268); ” La Chute des rois » 2007 (ISBN 978-2811200275)
- Sylvain Tesson: “Un été avec Homère“, 2018, édition Des Equateurs (ISBN 978-2849905500)
- Michel Volkovitch et Jacques Lacarrière: « Anthologie de la poésie grecque contemporaine », chez Gallimard, 2000, en poche (ISBN 978-2070412532)
- Odysséas Elytis: « Axion Esti » Gallimard 1998 – (ISBN: 978-207071796)

De bons moments de lecture en perspective pour les amoureux(ses) du genre.
Fun fact #3: Thermopyles veut littéralement dire les colonnes (pyles) chaudes (thermo).
Toutefois, si vous préférez les romans plus «classique » et que vous n’aimez pas les grandes fresques épiques, passez votre chemin, il y a tant d’autres magnifiques ouvrages à découvrir sur la Grèce.
La Grèce, l’autre pays du fromage, mais aussi des poètes?
Si vous êtes plutôt poésie, vous devriez aussi trouver votre bonheur parmi les auteurs grecs. Je ne vous apprends pas que nous avons deux prix Nobel de littérature récompensant l’œuvre des poètes Odysséas Elytis et Giorgos Séféris, rendus accessibles au public grâce notamment à leur mise en musique par Mikis Théodorakis. Mais vous avez aussi les poésies de Yannis Ritsos ou Konstantin Kavafy, de magnifiques écrivains.
J’ai le privilège de lire dans la langue d’origine les textes de ces monstres sacrés. Il est parfois difficile d’en saisir la beauté et les subtilités, malgré les efforts et le talent des traducteurs francophones, mais cela vaut vraiment le détour. Si vous voulez faire un tour d’horizon plus exhaustif, pourquoi ne pas choisir l’Anthologie de la poésie grecque contemporaine (1945-2000) regroupant des poèmes de 40 auteurs. Vous serez incollables!
Je vous invite également à lire ou relire Albert Cohen, dont je suis une grande fan depuis mon adolescence et dont on sent dans toute l’œuvre l’influence de son pays d’origine: Corfou (une des îles de la mer Ionienne, entre la Grèce et l’Italie). Mon livre préféré: «Solal».

Il dira dans une interview sur Radio Lausanne en 1954: « Je crois que c’est le plus beau pays du monde. Je me souviens des forêts d’orangers, de citronniers et d’immenses oliviers argentés tout au bord de la mer. Pas comme ceux rabougris, poussiéreux, de la Côte d’Azur. Ce sont des oliviers géants. Et puis il y a la mer. Là-bas, elle est tellement transparente. Un immense cristal à peine remuant. Et puis, il y a une autre chose d’encore plus extraordinaire: c’est l’odeur, l’odeur de Corfou (Kerkyra), la brise marine qui se mêle au jasmin et au chèvrefeuille. Pour moi, c’est le pays de la douceur de vivre, un antique printemps. »
Comment ne pas citer Jean d’Ormesson, qui vouait un amour profond à la Méditerranée, toute la Méditerranée, et une adoration pour Symi, « son » île de prédilection (avec la Corse) et dont certains de ses opus comme « la Douane de Mer » sont infusés par ses souvenirs hellènes.
Enfin, pour celles et ceux qui veulent vraiment pousser plus loin le voyage hellène, je vous conseille également la lecture de la somme d’Hervé Duchène (plus de 1000 pages tout de même), « le voyage en Grèce », une anthologie de la littérature de voyage regroupant les plus beaux textes du moyen âge à l’époque contemporaine, dans la collection Bouquins chez Robert Laffont.
Pour finir en beauté, je voulais faire mienne cette citation d’André Maurois
La Grèce, avec ses îles baignées de lumière et ses paysages d’une beauté enivrante, est un enchantement pour les sens. Chaque visite est une danse exaltante avec l’histoire, la culture et l’hospitalité chaleureuse de ce merveilleux pays.
André Maurois (1885-1967)
En résumé, voici donc quelques auteurs avec lesquels j’ai passé d’excellents moments de lecture, de voyage, de découverte, de poésie et d’aventures. La liste, comme je le disais, est subjective et loin d’être exhaustive. Il m’a fallu faire un premier choix. Je me réserve, bien sûr, le droit d’ajouter de temps en temps de nouveaux opus, au gré de mes découvertes.
J’espère que j’aurai su attiser votre curiosité.
N’oubliez pas de partager en commentaire vos coups de cœur sur le même thème, j’adore apprendre de nouvelles choses!